Alice glisse, dansante, sur les pavés usés,
Perce le ballet des vies, hérauts d’un doux mirage,
Le soleil effleure les péniches amarrées,
Un souffle doux courant caresser son visage,

Sur les quais de la Seine, lourds sont les souvenirs,
De rôdeurs éphémères et de vies passées,
Devant l’eau paresseuse qui coule sans tarir,
Qui archive d’émeraude le poids des années.

Et la vie s’ouvre au ciel, clarté limpide,
Un vent frais épouse les rires des passants,
Des bières tintent au renouveau timide,
Paris soleil dans un pari de printemps.

Des châles en nappes colorent les rives pleines,
Et l’on parle, l’on fume, l’on rêve, l’on s’épanche,
La Seine porte les voix, leurs portées incertaines,
Elles voguent lentement à la faveur d’un dimanche.

Des familles poussettes croisent des amoureux,
Des vélos vont et viennent, brassent les pavés,
Aux souvenirs éternels de ces touristes heureux
Qui figent dans leur cœur cette beauté conservée.

Dans ce tableau mouvant, presque idyllique,
Alice avance, Alice danse, Alice est lente,
Ses pas s’effacent, son mouvement est pudique,
Teinte d’été dans sa robe éclatante.

Car dans ce bal d’images, elle flotte en silence,
Comme un écho discret, trop loin pour vibrer,
Ses pensées, en dedans, marquent une distance,
Un voile sur ses yeux, difficile à lever.

Elle s’arrête. Incline un peu l’angle de sa tête,
Cadre le ciel. Un pont. Son sourire est apprêté.
Elle fige le moment, retient l’image parfaite,
Comme on cueille une fleur déjà décolorée.

Le cliché est brillant, le monde y semble vrai,
Toutes les couleurs d’une vie y valsent à l’unisson,
Mais dans l’ombre du flash, le cœur reste en retrait,
Incapable de comprendre cette douce illusion.

Elle repart déjà, sans un mot, sans détour,
Le regard absorbé par un monde invisible,
Ignorant les éclats du réel, les beautés du jour,
Qu’elle rend sur son écran soudain, accessibles.

Elle n’est venue là qu’en pèlerine discrète,
Cocher un lieu fameux sur son parchemin vain,
Et la Seine, superbe, impartiale et discrète,

 

Gautier Veret 22/05/2025